Une passion reste-t-elle une passion quand elle devient un travail ?

C’était trop tentant pour moi de parler de ce sujet avec la pétillante Charlotte, équithérapeute dont j’ai fait la connaissance aux écuries Spirit Horse. Vous le savez peut-être (ou pas), j’ai moi-même décidé de vivre de ma passion du cheval il y a 20 ans et j’ai ressenti cette bascule, ce moment où on ne sait plus vraiment si on fait ça par passion ou si c’est devenu une obligation et que la passion s’est envolée… j’avais aussi envie de vous faire découvrir son beau métier qui propose d’apporter du bienêtre aux personnes en situation de handicap grâce aux chevaux.
 
Bonjour Charlotte !
Est-ce que tu peux nous raconter comment tu es devenue équithérapeute ?

Au début je ne savais pas où j’allais… J’étais très sportive quand j’étais jeune et après mon bac Scientifique mes parents m’ont conseillé d’intégrer l’UFR Staps. Pendant mes études je me suis intéressée au handicap parce que je ne voulais pas enseigner ni faire du management qui étaient les 2 autres options quand on suit ces études.

Ça m’a tout de suite plu d’apporter mon aide aux personnes qui en avaient besoin et l’opportunité d’offrir l’accès à une discipline sportive à tout le monde. Comme je pratiquais l’équitation depuis longtemps j’ai voulu allier ma passion pour le cheval au bien être des personnes handicapées et après ma licence j’ai fait des recherches sur le lien « cheval-humain » sur internet et je suis tombée sur Yannique Bourglan de l’association EquiM qui est installée à Pertuis. Je suis partie en stage chez elle pendant un mois 1/2.  D’origine Canadienne Yannique s’est formée sur plein d’outils qui mêlent cheval et handicap : l’équitation sportive adaptée pour personne handicapées, l’équithérapie (= le soin pour les personnes handicapées avec le cheval), la médiation animale, l’enseignement équi handi… A la suite de cette initiation j’ai décidé de me spécialiser dans l’équithérapie et j’ai intégré une formation d’un an à l’institut de formation en équithérapie à Paris. On était une promo de 12 personnes, le contenu de la formation était génial. J’ai appris différentes techniques de relaxation à cheval, comment gérer des personnes handicapées, comment soigner un cheval et travailler avec lui, comment assurer le côté sécuritaire… La formation apprend aussi à gérer qui tu es de façon à ne pas absorber toutes les émotions des personnes que tu accompagnes parce que sinon tu peux vite devenir trop empathique et dans cette posture tu ne peux pas aider correctement.

Est-ce que ce diplôme d’équithérapeute est reconnu ?

Non, notre activité n’est absolument pas encadrée. Aucun diplôme n’est reconnu par l’état à ce jour et c’est vraiment dommage parce que n’importe qui, sans aucune formation peut s’auto proclamer équithérapeute du jour au lendemain et mettre des handicapés à cheval. Sauf que c’est un vrai métier. Il faut répondre de façon personnalisée aux demandes, savoir comment apporter du bienêtre et construire des projets individualisés. Pour autant la filière n’attend pas les décisions politiques et elle se professionnalise. Il existe un Syndicat Interprofessionnel des Praticiens de la Médiation Equine, le SIMPE (https://www.sipmediationequine.fr/).

 
Qui sont tes patients ?

J’accompagne des publics très différents Ce sont des personnes en situation de handicap et non pas que des personnes handicapées parce que n’importe qu’elle situation de la vie peut être handicapante donc on englobe tout dans l’équithérapie. J’accompagne les enfants à partir de 3 ans et ma patiente la plus âgée a 109 ans ;-). J’ai des ados, des adultes, des personnes Alzheimer, des autistes, des personnes avec des troubles moteurs, des hémiplégiques, des personnes qui ont vécu des traumas, des harcèlements, des agressions, des burn out…

 
Est-ce que ça a été compliqué de trouver tes premiers patients ?

J’ai eu de la chance parce qu’en 2018, quand j’ai démarré, j’ai participé au salon des nouveaux entrepreneurs à Aubagne et il y avait une journaliste sur place qui a écrit un article sur moi. Et comme  l’activité d’équithérapeute est nouvelle elle attire la curiosité des gens qui veulent  découvrir comment on arrive à donner l’accès aux chevaux à tout le monde, même à ceux qui ont peur.

Une autre donnée favorable au développement de ce métier, c’est que les parents sont blasés des institutions qui proposent uniquement de l’ergothérapie, de la psychothérapie et des médicaments à leurs enfants. Ils ont envie que les enfants fassent autre chose, qu’ils soient dehors, qu’ils avancent dans la vie de la meilleure des façons possible et qu’ils apprennent à se gérer sans médicaments. Depuis 4 ans mon téléphone sonne quasiment tous les jours pour de nouvelles demandes.

 
Est-ce que tu as déjà refusé des missions ?

Oui par exemple des personnes en addictologie parce que je ne me sens pas en capacité de les aider. Il y a aussi le fait que les parents veulent tous les mêmes créneaux le mercredi et samedi et que je ne peux donc pas accueillir tout le monde.

 
Qu’est-ce que tu trouves le plus difficile en tant qu’entrepreneur ?

C’est la solitude que je ressens parfois devant certaines situations avec des patients. Je ne sais pas toujours comment m’y prendre et parfois il me manque quelqu’un pour échanger sur nos expériences et ouvrir sur de nouvelles méthodes.

Dans la gestion de l’entreprise, je n’ai jamais fait de prévisionnel chiffré sur mon activité. Quand je me suis lancée je ne savais pas ce que les chevaux allaient me coûter ni combien l’activité pourrait me rapporter. Maintenant je me dis que j’aurais dû structurer davantage mon projet de pour savoir où j’allais…

 
Est-ce que tu arrives financièrement à vivre de ton métier ?

Oui j’ai la chance de vivre de mon travail parce que je suis sur une zone géographique très dense, contrairement à d’autres équithérapeutes qui sont installés à la campagne. Et dans le Sud pour l’instant il y a moins de professionnels que dans le Nord ou sur Paris.

 
Pour l’avoir moi-même vécu j’ai envie de te poser une question Charlotte. Est ce qu’une passion reste une passion quand elle devient notre travail au quotidien ?

Euhhhh ….pas facile comme question ça 😉

A la base mon envie a toujours été de travailler avec des chevaux mais je me rends compte qu’aujourd’hui j’aimerais travailler pour eux et non pas avec eux. J’aime beaucoup ce que je fais mais ça ne me comble pas… Je réalise de l’aide aux personnes sans apporter mon aide au cheval et du coup ma passion ne s’exprime pas pleinement, comme j’en ai envie. Le cheval reste ma passion, ce que j’en fais l’est moins.

 
Question de passionnée à passionnée. Qu’est-ce que le cheval apporte à l’homme d’après toi ?

Les chevaux m’ont souvent aidé mais mon attirance pour eux est encore un mystère pour moi.

Je constate tous les jours comment ils peuvent nous aider …. Par exemple, j’ai récemment accompagné une petite fille qui avait subi du harcèlement scolaire. Elle avait développé une phobie de l’école et elle était déscolarisée. Grâce aux chevaux elle a petit à petit retrouvé confiance en elle et elle a pu retourner à l’école. Ça c’est des choses qui montrent que ça fonctionne !

Le cheval est très empathique. Il comprend beaucoup de choses et il sait être patient. Son comportement, sa personnalité influent sur nos émotions. Il peut nous apporter du réconfort ou nous pousser à nous remettre complètement en question. Il est vrai, il ne ment pas. Il n’a pas de jugement, pas de rancune, pas de colère. Il est aux côtés de l’homme depuis toujours et lui offre plein de possibilité grâce à sa polyvalence.

 
Qu’est-ce que tu as envie de dire à ceux qui ont le projet de vivre professionnellement de leur passion ?

Il faut vraiment définir ce que l’on aime faire avec sa passion. Quelqu’un qui est mordu de vélo doit se demander s’il c’est la compétition qu’il adore ou bien s’il aime seulement faire du vélo dans la colline. Pour vivre de sa passion, il faut la cerner et se demander pourquoi on aime ça ? Qu’est-ce qu’on veut vraiment en faire ?

 
Quelles sont tes ambitions pour demain Charlotte ?

C’est par exemple de développer une collaboration avec une professionnelle qui travaille dans le coaching de personnes et d’entreprises en apportant mon savoir-faire d’équithérapeute. C’est aussi de me diriger vers les accompagnants qui travaillent et vivent avec des personnes en situation de handicap.

Par exemple les infirmiers, les parents à qui j’ai envie d’apporter une solution de développement personnel pour s’apaiser, se relâcher, accepter la situation…Je veux aider les personnes qui s’oublient dans la relation d’aide à prendre du temps pour elles.

 
Et dans 10 ans, tu te vois comment ?

Je me vois sur un terrain dont je serais propriétaire, avec mes chevaux, pour accueillir du public que j’aurai choisi. Je me vois aussi me déplacer avec mes chevaux en milieu hospitalier ou en Ehpad et surtout j’aimerais travailler la relation « humain-cheval » avec des éthologues et promouvoir le cheval, ses valeurs et ce qu’il peut nous offrir.

Merci Charlotte pour tout ce que tu nous as partagé et bonne route pour la suite 😉
 
Pour contacter Charlotte Quenette – A deux pas équithérapie

Tel. 06.26.13.78.36

Mail. cqequitherapie@gmail.com

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